Le monde d’après a déjà bien commencé.
Le monde d’après a déjà bien commencé.
12 mars

Ni dieu, ni maître, ni marketing transparence !

 

Nouvelle année, année de la continuité de notre engagement.

Mais en prenant le temps (enfin) d’expliquer notre démarche à ceux qui souhaitent mieux la comprendre.

 

Cette année 2020 a été très éprouvante pour beaucoup de nos partenaires, clients, pour vous… ainsi que pour moi.

Afin que vous compreniez mieux ma position, je dois vous expliquer sur quel marché se situe notre offre textile, notre cœur de métier.

Nous n’officions pas dans la mode mais sur un marché "parallèle", celui de la communication par l’objet et plus particulièrement :

Le T-shirt.

Ceci dit, depuis déjà 30 ans (et merde) que je travaille autour de ce produit, je constate que ces deux marchés s’entrecroisent de plus en plus.

 

Cette expérience de 30 ans m’amène à une meilleure appréhension de ce que je souhaite construire aujourd’hui. Quelle part de compromis puis-je accepter, et dans quel but ?

J’ai passé ces 15 dernières années à trouver un chemin qui contente mes valeurs, apaise mes peurs, n’outrepasse pas mon seuil de tolérance face à ce monde…

Dans notre société, les compromis sont principalement liés à la course à l’argent, au pouvoir et à l’ego. Quand on refuse ces compromis, peut-on exister ? Peut-on y trouver sa place ?

 Depuis le début d’Anarres (1) en 2006, je n’ai pas trouvé écho à mes valeurs dans mon secteur professionnel. Alors, je me suis coupé des acteurs de ce marché et j’ai conduit mon vaisseau en tentant d’éviter les écueils, certes, mais pas les errances de la solitude. Et en laissant aussi de côté des voies inexplorées.

A sa création, Anarres avait pour vocation d’être une société d’impression textile n’utilisant que des textiles en coton biologique. Un nouveau produit émergent à cette époque. Les contacts avec les nouveaux acteurs de cette filière bio furent, pour le moins, une énorme déception. Ce marché répétait les mêmes schémas que ceux que j’avais déjà perçus dans la mode : «Je possède le savoir et je ne le partagerai pas avec toi. » Toutes les marques textiles bio émergentes que j’ai contactées refusaient de m’aider à me sourcer en jersey de coton biologique.

Face à cet échec, je compromis malheureusement l’essence même des débuts d’Anarres. Et dans l’urgence, je commençais mon activité avec des produits « classiques » : des marques tels que Sal’s, B&D, FUTL, Goldan, Teptox, etc. ;)

Et je me concentrais sur ma passion, cette perpétuelle magie qu’est la sérigraphie. Je plaçais mon soucoupe volante carrousel en vitrine de ma boutique. Elle était au cœur du 11ème arrondissement de Paris, mais dans une rue peu passante. Ce qui n’a pas empêché une certaine réussite, grâce à un simple feu rouge de 47 secondes ;).

La solitude n’est jamais totale. Il y a eu quand même de belles rencontres* (et d’autres plus toxiques). Mais même entre personnes bienveillantes, l’épanouissement ne passe pas toujours par la poursuite des mêmes buts. Et forcément, ces compromis subis (et finalement consentis) que vous avez enfouis, finissent par vous revenir en pleine face. Car vous vous êtes dangereusement écarté de votre ligne de conduite, de votre ETHIQUE.

Et là, le retour de bâton est violent pour vous, pour vos proches… qui heureusement font ce qu’ils peuvent pour vous aider, sans que vous en soyez conscient.

Pour moi, un des déclencheurs de cette « reprise de conscience » a été l’effondrement du Rana Plaza(3) en 2013. Cette tragédie a fait remonter mes années de militantisme antérieures à Anarres.
Et cette conscience des compromis acceptés pour continuer d‘exister dans ce monde frustrant, m’a été, de nouveau, insupportable. 
Alors, retour à ce que l’on est, un petit artisan, perdu dans les tourbillons de ses contradictions.

Alors on évolue, explore et recherche de nouveaux chemins plus en adéquation avec ses valeurs.


Aujourd’hui, produire un T-shirt en France est d’une complexité certaine. J’en fais l’expérience chaque jour depuis 8 ans et le lancement de la ligne Le T-shirt français (2).

Cette situation est en partie due aux choix de nouveaux confrères concurrents qui se positionnent depuis peu sur le marché du made in France, et qui comptent en réalité parmi les principaux responsables de la désindustrialisation de la filière textile française.
Ils ont fait le choix du profit avant toute chose, en délocalisant depuis près de 30 ans à l’autre bout du monde, s’affranchissant ainsi des responsabilités qui incombent à tout fabricant.

Si aujourd’hui ils claironnent sur leur nouvelle production made in France, elle ne représente en réalité que 0,2% de leur offre commerciale globale. Leurs centaines de millions d’euros de CA sont issus, depuis plusieurs décennies, de produits fabriqués et importés du Bangladesh, dans les conditions que nul ne peut dorénavant ignorer.

Pourquoi s’acheter cette virginité à grand coût de marketing aujourd’hui ? Les Jeux Olympiques en France en 2024 s’annoncent comme un énorme marché pour ces fabricants/distributeurs. Ils pressentent qu’ils en seront écartés, s’ils ne se drapent pas de la pseudo-néo vertu du fabriqué en France, en toute transparence hypocrisie.

Avec cette part dérisoire de production made in France, ils espèrent pouvoir poursuivre leurs besoins inassouvis de croissance, de puissance et d’ego.

Reflet d’une réalité globale : toujours plus de richesse concentrée, dans toujours les mêmes mains de quelques dirigeants, financiers ou actionnaires.

Nous savons tous aujourd’hui comment cela a été possible, car je/nous avons accepté d’acheter avec pour critère principal : le prix.
Alors, face à ce constat, j’espère que nous continuerons d’être de plus en plus de David contre Goliath, et que nous mettrons tout en œuvre, ensemble, afin de faire évoluer, à notre échelle, notre monde… sans dérive.

 


https://edreidyork.wordpress.com/2017/08/03/david-and-goliath-it-could-be-tab-vs-amazon/


Le T-shirt est un produit à part dans notre garde-robe, de par son usage quotidien et son confort primordial. C’est aussi un vêtement iconique, doté d’une fonction graphique et d’un fort potentiel de communication.

C’est un vêtement privilégié pour exprimer sa personnalité, même si le message qu’il véhicule s’appuie bien trop souvent sur des pseudo-émotions fabriquées par les codes de la mode. Moyen d’expression de nos humeurs, grâce à sa grande variété de couleurs, de coupes (ample ou cintrée) etc...T-shirt de marque de mode, griffé, appartenance à une tribu, marqueur d’une identité.

Mais le T-shirt est aussi et surtout (car c’est un marché énorme) un produit très prisé du marketing, un support de communication privilégié pour les marques, les institutions, sans oublier les mouvements politiques. Car il a cette propension à être personnalisé (logos, photos, slogans, graphismes…) grâce à des techniques variées d’ennoblissement : sérigraphie, broderie, impression jet d’encre (DTG).

Son graphisme permet de diffuser largement une information, sans savoir d’ailleurs où ce T-shirt sera porté et, par conséquent, cette information affichée. Mais au nom du sacro-saint marketing, il véhicule - comme beaucoup de vecteur média - beaucoup de tout et de n’importe quoi.


D’ailleurs, je n’arrive pas encore à percevoir ce qui me gêne le plus dans ce nouveau slogan de TRANSPARENCE cher à beaucoup trop d’entrepreneurs, de « marketeux », et même de personnalités politiques en ce moment.
Un goût de déjà-vu peux être avec le « Bio » il y a 15 ans, un autre goût de déjà-vu avec le made in France depuis 5 ans. L’histoire qui se répète inexorablement.

Dans le plus grand nombre de cas, sur ce nouveau marché du Made in France, les personnes qui utilisent ce terme de transparence se mettent à reproduire les mêmes schémas que ceux que nous avons pu constater par le passé.

Pour beaucoup, j’ai personnellement constaté qu’elles s’affranchissent bien vite de ce qu’elles prônent. Elles affirment qu’elles confectionnent là, alors que c’est seulement en partie vrai. Pas de mensonge flagrant, mais certains s’arrangent bien vite de certaines règles et d’une soi-disant éthique revendiquée. Plus le mot transparence est utilisé, plus il semble travestir une certaine vérité.

Mais toutes les vérités ne sont pas bonnes à écrire. (Oserai-je développer ces points dans d’autres billets ?)

 

Et puis il y a aussi ceux qui s’érigent en donneurs de leçon, en « ayatollahs » du made in France et/ou du bio avec leur 100 % made in France.

100% Made in France : mais qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Encore un emballage marketing de plus qui, comme l’aurait dit l’ami Coluche, lave plus blanc que blanc.

Aujourd’hui il y a des règles, des lois. Pas souvent simples à comprendre, car tellement déformées au fil du temps et des intérêts de certains. Celles que j’ai comprises et applique sont simples, une fois assimilées :

Code des douanes : pour qu’un Vêtement soit made in France – fabriqué en France, il faut que la confection soit faite en France. C’est simple, non ? Reste à définir ce que veut dire le terme confection : action par laquelle on exécute un ouvrage jusqu’à complet achèvement (Source : wiktionary.org/wiki/confection)

 Chez Anarres - Le T-shirt français, nos productions textiles sont confectionnées (matelassées, tracées, coupées, cousues, repassées, conditionnées, etc…) en France dans plusieurs ateliers : soit dans les Hauts de France (2 ateliers), soit en Auvergne-Rhône-Alpes (1 atelier).

Pour chaque modèle, toutes ces opérations sont réalisées en totalité par chaque atelier : chez nous, pas de transport (et donc de CO2) inutile pour économiser quelques centimes, comme c’est le cas quand la coupe est réalisée ici et le montage ailleurs.

Notre jersey de coton biologique est certifié GOTS par Control Union et il est tricoté au Portugal dans la région de Braga. Ce sourcing est globalement local (Glocal), et pas exclusivement patriotique. Mais il respecte parfaitement la législation mise en place depuis des décennies.


Longtemps, je n’ai pas eu le sentiment d’avoir les moyens techniques (web), le savoir (écrire) et le temps de pouvoir expliquer ma perception du monde.Traduire sa pensée avec ses doutes, ses choix, ses erreurs, est un chemin difficile.

Notre mode de vie qui tend à aller toujours toujours plus vite nous donne une sensation enivrante d’exister, mais annihile l’essence même de ce que nous sommes. Plus de goût, plus d’odeur, plus de toucher… plus de plaisir des sens.

Pourtant, aujourd’hui, cette vitesse peut aussi être un bienfait, dans la recherche d’une solution face au Covid par exemple (Vous avez 4 heures.) A condition que nous comprenions que l’on nous informe réellement des enjeux et de l’intérêt de tous pour tous.

 

 

Source : LivresHebdo.fr


Cette pandémie, ou plutôt ces conséquences, favoriseront-elles un monde d’après plus juste ? Cela dépend de nous.
Le monde change, évolue, parfois trop vite, parfois pas assez. Mais c’est nous tous qui influençons ce rythme par nos choix, fait de nos contraintes, de nos besoins primaires, de nos doutes, de nos erreurs errances et de nos envies.

Voilà, j’espère continuer à prendre le temps nécessaire pour écrire, et partager notre bien commun à tous, l’échange d’expérience et de savoir. Car : « le savoir est une arme » (Assassins).
Il faut du temps pour apprendre et encore plus pour se comprendre.

Bonne année 2021, et salut à toi, le bienveillant, l’éclairé, l’égaré, le mauvais en orthographe, le « c’est plus compliqué que ça », le solitaire, le compromis repenti…
Liberté, Egalité, Fraternité et au-delà. Ce qui reste de plus beau, c’est demain.

* Merci de m’avoir supporté (pas sur la tête), aidé, accompagné, enrichi… : David (Dadawan), Renaud, Will (BigFish), Djoul’s, Ben Hito, Fred (BDP), Pom, Simon, Loom…

Et bien sûr: LNA, MuM, DaD, Katouille, Gribell, les BernyFa, JeeCee, Phil N., Rico Soft, Fifi Urban Korp,…

Et merci aussi à cet art majeur qu’est la musique, ses artistes, ses sons, ses textes qui m’accompagnent et m’inspirent : Assassins, Cellule X, Mass Hysteria, Dubamix, Paris Dj’s, Programme, Spicy Box, Trust (pour n’en citer que quelques-uns).

KLeM – fondateur et pilote d’Anarres - Le T-shirt français

(1) Anarres (2006) c’est quoi ? Une société de sérigraphie et d’impression numérique textile, distributeur de produits textiles multi-marque.

(2) Le T-Shirt Français ou LTSF (2013), c’est quoi : une ligne de produits made in France et en coton biologique (depuis 2016), développée par la société Anarres.


(3) Rana Plaza : le 24 avril 2013, l
'effondrementd'un immeubleà Savar, faubourg ouest de Dacca, la capitale du Bangladesh, parfois appelé « catastrophe de l'usine de Dacca », a provoqué au moins 1 127 morts pour environ 2 500 rescapés (bilan au 13 mai 2013). Les sources ultérieures parlent de 1 135 morts. Cette catastrophe est un des symboles des problèmes liés à la fast fashionet à la mondialisation. (Source : Wikipédia)

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